La contraception : une alternative à la chasse ?

Les humains vivent constamment aux côtés d’animaux dont ils aimeraient réduire la population : les rats, les sangliers, les pigeons, et j’en passe. Comment réduire une population ? Première possibilité : tuer. Capturer, chasser, abattre, empoisonner. Mais est-ce le seul moyen ? Non. On oublie parfois qu’il existe une autre solution : réguler la reproduction. Dans cet article, intéressons-nous à l’une des alternatives les plus prometteuses à la gestion létale des populations : la contraception.

La majorité de cet article se base sur une synthèse de Giovanna Massei, “Fertility Control for Wildlife: A European Perspective” (2023)

Types de contraception

Quand on parle de contraception des animaux sauvages ou liminaires [1], on parle de deux méthodes :

  • Le vaccin immunocontraceptif (par exemple les ZP vaccines, le GonaCon™) qui stimule le système immunitaire de l’animal de sorte à inhiber sa fertilité. Il est efficace sur les gros mammifères : chevaux, cerfs, sangliers, ou encore bisons. Il est administré de deux façons : soit en immobilisant l’animal, soit en lui tirant une dose avec un pistolet, à la manière d’une fléchette.
  • Le contraceptif oral (par exemple ContraPest®), plutôt développé pour les oiseaux et les rongeurs. Il est mélangé à la nourriture de l’animal, et tant que celui-ci en consomme, sa fertilité reste basse.

Avantages de la contraception

Premièrement, la contraception n’est pas la stérilisation : elle est réversible. Si, pour une raison X ou Y, il s’avère que l’intervention prend un chemin non désiré, il est toujours possible de revenir en arrière.

Deuxièmement, elle est mieux acceptée par la population que les méthodes létales, donc plus à même d’engager les communautés locales, les bénévoles, autour de campagnes de régulation de population.

Troisièmement, elle rend les animaux sauvages moins malades. Pourquoi donc ? Pour plusieurs raisons. Les coûts d’énergie liés à la reproduction sont diminués, donc potentiellement davantage d’énergie est allouée à la défense immunitaire. La contraception réduit la transmission de maladies des parents aux descendants. Enfin, quand elle est couplée à une campagne de vaccination des animaux sauvages — par exemple la vaccination contre la rage —, elle préserve une population peu dense avec une grande proportion d’individus vaccinés : d’où une vaccination plus efficace. Notez que bon nombre de ces maladies, comme la brucellose, la tuberculose ou la rage, sont des zoonoses : elles peuvent contaminer les humains. 

Quatrièmement, la contraception est peu susceptible de faire émerger des résistances. Chez les rats, les rodenticides exterminent l’entièreté de la population… sauf quelques individus qui, bien souvent, sont résistants au traitement, qui se reproduisent et engendrent une descendance elle-même résistante au traitement. Autrement dit, les rodenticides créent une forte pression sélective en faveur des individus résistants. Au contraire, les contraceptifs ne semblent pas générer de forte pression sélective [2]. S’il apparaît des mutations génétiques conférant une résistance aux contraceptifs, elles resteront rares dans la population.

Notons que ces contraceptifs sont relativement sûrs pour les animaux. Ils n’empêchent pas la gestation d’arriver à terme une fois débutée, et généralement, ils ne changent pas le comportement des animaux. Ainsi le GonaCon™ n’aurait pas d’effet à court terme [3] et à long terme [4] sur le comportement et la physiologie des sangliers.

Mais évidemment, n’oublions pas le premier et grand avantage de la contraception : elle est non létale. Elle n’implique pas de vider les rats de leur sang en leur faisant avaler des anticoagulants. Elle n’implique pas de perforer les organes d’un cerf, d’un sanglier, d’un oiseau avec une balle. Elle n’implique pas de piéger des écureuils et de les laisser mourir. Elle n’implique pas de faire agoniser un animal dans ses derniers instants.

Piège (létal) à écureuils gris, espèce invasive en Europe. Source de l’image : https://www.kania.net/squirrel-trapping.htm

Une solution miraculeuse ?

Évidemment, aucune méthode n’est parfaite. Jusqu’alors, le vaccin immunocontraceptif s’administrait en immobilisant l’animal, ce qui rendait l’intervention particulièrement coûteuse. Heureusement, l’usage de « pistolets à vaccins » permettrait de diminuer ces coûts. Verra-t-on, un jour, des chasseurs tirer des vaccins immunocontraceptifs sur les sangliers plutôt que des cartouches de fusil ?

La contraception orale, quant à elle, peut affecter d’autres espèces qui viendraient se sustenter de la nourriture « contraceptée ». La solution à ce problème, c’est de concevoir des mangeoires que seule l’espèce cible pourra atteindre.

Mais la question que tout le monde se pose est : la contraception est-elle efficace ? Un modèle de 2020 [5] montre que la contraception, utilisée seule, ne parvient au mieux qu’à limiter l’expansion de la population, et n’est efficace que si elle est couplée à l’abattage. Un autre modèle [6], portant sur les écureuils gris, conclut ceci :

« Nos résultats suggèrent que, au moins pour les densités initiales d’écureuils que nous avons supposées, le contrôle de la fertilité seul n’est pas susceptible d’atteindre une réduction suffisamment rapide pour s’avérer une alternative viable et rentable pour remplacer complètement l’abattage. Cependant, lorsqu’il est appliqué aux populations de faible densité après un abattage à court terme, le contrôle de la fertilité pourrait être réalisé dans les mêmes délais que l’abattage continu seul, mais avec des coûts nettement inférieurs. »

Toutefois, une autre étude [7], plus récente, montre que la contraception seule diminue efficacement les populations de rats et de campagnols, même lorsque celles-ci sont en phase de croissance. Une telle efficacité est atteinte lorsque (1) la contraception se fait en continu, sans intermittence, et (2) lorsqu’elle cible les jeunes femelles.

La contraception n’est certes pas une technique miraculeuse. Sans compter qu’il faudra un temps d’études, de recherches, de conception pour la mettre en place à grande échelle. Mais c’est une solution réaliste, qui permettra dans un premier temps de réduire l’usage des techniques létales. Et qui sait, un jour, de s’en affranchir complètement ?

Chaque euro investi dans la recherche sera autant d’heures d’agonies épargnées.


[1] Un animal liminaire n’est ni totalement domestique, ni totalement sauvage. Les chats et les pigeons des villes en sont de bons exemples.

[2] Shuster, S. M., Pyzyna, B., Ray, C., & Mayer, L. P. (2023). The demographic consequences of fertility reduction in rats and volesJournal of Pest Science96(3), 1313-1329. ; Shuster, S. M., Pyzyna, B., Mayer, L. P., & Dyer, C. A. (2018). The opportunity for sexual selection and the evolution of non-responsiveness to pesticides, sterility inducers and contraceptives. Heliyon, 4(11).

[3] Massei, G., Cowan, D. P., Coats, J., Gladwell, F., Lane, J. E., & Miller, L. A. (2008). Effect of the GnRH vaccine GonaCon on the fertility, physiology and behaviour of wild boar. Wildlife Research, 35(6), 540-547.

[4] Massei, G., Cowan, D. P., Coats, J., Bellamy, F., Quy, R., Pietravalle, S., Brash, M. & Miller, L. A. (2012). Long-term effects of immunocontraception on wild boar fertility, physiology and behaviour. Wildlife Research, 39(5), 378-385.

[5] Croft, S., Franzetti, B., Gill, R., & Massei, G. (2020). Too many wild boar? Modelling fertility control and culling to reduce wild boar numbers in isolated populations. PLoS One, 15(9)

[6] Croft, S., Aegerter, J. N., Beatham, S., Coats, J., & Massei, G. (2021). A spatially explicit population model to compare management using culling and fertility control to reduce numbers of grey squirrels. Ecological Modelling, 440, 109386.

[7] Shuster, S. M., Pyzyna, B., Ray, C., & Mayer, L. P. (2023). The demographic consequences of fertility reduction in rats and voles. Journal of Pest Science96(3), 1313-1329.

Une réponse à « La contraception : une alternative à la chasse ? »

  1. Mais sur les chiens de prairies ça marche aussi ?

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